La qualité de l’air intérieur est-elle la grande perdante de la RT 2012 ?
Catégorie : Espace pro
Ces dernières années, toutes les prises de décision liées au domaine de la performance énergétique convergent vers l’amélioration de l’étanchéité des bâtiments afin de réduire la consommation énergétique. Si les solutions mises en œuvre permettent de faire de réelles économies sur la facture énergétique, tout le monde semble oublier que la qualité de l’air intérieur est souvent négligée au profit de ces quelques économies.
Un manque d’encadrement
Alors que les dispositifs relatifs aux règlementations thermiques ne cessent d’évoluer, les textes qui concernent la qualité de l’air intérieur ou QAI datent, quant à eux, d’il y a 30 ans. En effet, depuis le choc pétrolier de 1973, les lois qui régissent la performance énergétique s’enchaînent en France. Il y a eu respectivement les RT 1974, 1988, 2000, 2005, 2012, et très bientôt la RT 2020. En ce qui concerne la ventilation du bâtiment, le dispositif encore appliqué aujourd’hui date du 24 mars 1982. Aucune révision n’a été effectuée depuis. Ce qui le rend obsolète, voire incohérent. Dans le secteur tertiaire, par exemple, le code de travail impose un débit d’air de 25m3/h/personne. Le règlement sanitaire départemental, pour sa part, fixe le débit d’air dans les écoles et les collèges à 15m3/h/personne. Non seulement, ces débits d’air sont donc insuffisants dans le contexte actuel, mais ils sont aussi contradictoires.
L’importance de la ventilation
Avant que les lois sur l’isolation n’aient fait leur apparition, tous les bâtiments étaient perméables à l’air. Grâce aux infiltrations, le renouvellement de l’air était assuré en permanence. Après l’entrée en vigueur des règlementations thermiques, les propriétaires ont dû agir sur l’étanchéité des parois de leur bâtiment. L’absence d’infiltrations signifie que l’air extérieur ne passe plus. L’air intérieur n’est donc plus renouvelé comme autrefois. Par conséquent, il y a aussi apparition de problèmes d’humidité et de moisissures dans les bâtiments à cause de l’insuffisance du débit d’air. En plus de nuire au confort des occupants du bâtiment, ces désordres sont aussi néfastes sur leur santé.
La priorisation des actions de performance énergétique
Dans le contexte actuel, les acteurs privilégient les actions sur la performance énergétique avant la qualité de l’air intérieur. Pour preuve, une étude réalisée par l’ADEME et l’Association Air a permis de constater que 70% des logements collectifs et 60% des logements individuels ne sont pas équipés d’un système de ventilation efficace. Et même s’ils en sont équipés, la priorité est toujours donnée à la performance énergétique. L’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur a, pour sa part, annoncé que 60% des installations de ventilation mécanique contrôlée ou VMC actuelles ne respectent pas les normes imposées par l’arrêté du 24 mars 1982. 80% des chantiers en rénovation sont dotés d’une VMC simple flux autoréglable avec un débit d’air insuffisant de 0,6 volume/h. Même si ce système n’est pas satisfaisant, il serait encore meilleur que la ventilation hygroréglable de type B qui est devenu le standard de la RT 2000. Celui-ci s’ajuste effectivement en fonction du taux d’humidité dans la pièce. Il peut tolérer un faible débit d’air qui peut avoir une forte concentration de COV. La solution à privilégier serait donc la ventilation double flux, mais apparemment celle-ci est pénalisée par la RT 2012 à cause de sa consommation énergétique.
Les mesures à prendre
COV et formaldéhyde ne sont que quelques conséquences néfastes de la négligence de la qualité de l’air intérieur. Pour y remédier, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail a proposé en 2007 deux valeurs guides de la qualité de l’air intérieur en ce qui concerne la concentration de formaldéhyde. Celles-ci s’élèvent respectivement à 50μg/m3 pour une exposition courte durée et 10μg/m3 en longue durée. Le Haut Conseil de la Santé Publique s’est aussi inspiré de ces deux valeurs et a sorti en 2009 des valeurs de référence à ne pas dépasser en neuf ou en rénovation en termes de concentration de formaldéhyde. La valeur maximale pour une exposition longue durée est de 50μg/m3. La valeur à atteindre en 2019 est de 10μg/m3. Pour le HCSP, il est certes important de réduire la consommation énergétique, mais la santé publique ne doit pas pour autant en souffrir. Par ailleurs, l’ingénieur Olivier Sidler, du cabinet Enertech, a avancé que si les installations actuelles ne permettent pas un bon renouvellement de l’air, ce n’est pas à cause de leurs performances, mais d’un manque d’entretien. En effet, les filtres de soufflage s’encrassent rapidement. Ceci cause la réduction du débit soufflé au bout de 4 mois d’utilisation seulement. Un remplacement du filtre d’air doit donc être prévu tous les quatre mois pour que le système assure un renouvellement de l’air satisfaisant. Un nettoyage régulier des entrées d’air et des bouches d’aération doit aussi être effectué surtout dans les logements.