L’origine de l’ITE en liège
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Le liège en panneaux est l’isolant des extrêmes depuis plusieurs siècles. Bien avant l’invention des groupes frigorifiques, il faisait le bonheur des habitants des mas méditerranéens qui en tapissaient les murs de leurs gardes mangers ou des usines chimiques qui protègeaient leurs tuyaux extérieurs.
Avec le développement de l’électricité pour tous et l’invention des machines à fabriquer du froid, il est devenu nécessaire de construire des bâtiments frigorifiques adaptés. En effet, ces espaces confinés devaient être capable de supporter des chocs thermiques importants liées aux différences de température constatées de chaque côté du mur, entre les pièces refroidies et les pièces chauffées. Ces chocs thermiques à répétition n’étaient absorbables, à l’époque, que par le matériau isolant le plus efficace et inerte dans ces conditions : .
Les grandes amplitudes thermiques entre les 2 parois, outre la déformation des matériaux mis à leur contact, généraient en plus une énorme condensation et l’ inconvénient lié : les moisissures.Le liège, imputrescible et ses caractéristiques de résistance remarquable à l’humidité, avait trouvé là un emploi idéal.
Son extraordinaire ouverture à la diffusion de la vapeur d’eau, permet de ne pas garder les murs humides, les aliments étant ainsi conservés sans perte. Les chambres froides ainsi équipées supportaient aisément un lavage à grande eau avec un assainissant (mais pas de soude).
La première isolation thermique par l’extérieur était née et, c’est un comble, à l’intérieur d’une chambre froide! Les conditions de vie dans les pièces contiguës à cette chambre devaient être préservées du froid polaire régnant dans ces gardes mangers géants.
Comment étaient assemblés ces murs? Capables de supporter des conditions extrêmes, ils devaient préserver le confort de vie des occupants de l’immeuble.
Dans un premier temps, il fallait concevoir un mur d’une masse suffisante pour absorber, sans changer immédiatement de température, les grandes variations. La pierre puis le béton furent tour à tour utilisés. Les murs en pierre, jointoyés et enduits à la terre, favorisaient les échanges gazeux, absorbant et rejetant ainsi sans dégâts la présence d’eau inévitable. Ce de construction présentait l’extrême avantage de pouvoir fixer les isolants simplement avec des clous galvanisés, puis de les enduire d’un mortier de chaux, solide et assainissant.
Ce type de conception, trop chronophage, disparut malheureusement avec la banalisation des murs en béton. Sur les murs en béton, le liège en panneaux fut désormais chevillé. Les murs en béton étant peu respirants, il fallut enduire le mur d’un mortier de ciment carrelé afin d’éviter la pénétration de l’humidité dans le support. Les condensats générés par cette technique furent évacués par des écoulements installés dorénavant à l’intérieur de la chambre froide. Petit à petit, le polystyrène puis le polyuréthane, plus disponibles localement, remplacèrent le liège.
Une partie conséquente du liège d’isolation en granule est aujourd’hui issue du recyclage des matériaux de déconstruction de ces hangars frigorifiques.
Liège isolation, du bouchon au panneau isolant des chambres froides.
La noblesse du bouchon et le recyclage des résidus
La partie « noble » du liège permet d’obtenir de remarquables bouchons naturels, les plus recherchés pour les vins de longue garde, par une simple opération d’extrusion.
Les parties moins pures sont ensuite broyées en granules et calibrées afin de permettre la fabrication de plaques de liège expansées ou de proposer le matériau en vrac pour l’isolation des habitations. Les plaques de liège peuvent être utilisées, selon leur compression d’origine, en plaques anti-vibratoires ou en panneaux d’isolation très efficaces.
Les granulés de liège calibrés sont pressés à chaud afin de constituer des blocs agglomérés par la propre résine du liège. Ce collage naturel est durable et remarquablement efficace. Les presses centenaires utilisées encore aujourd’hui, continuent leur travail de haute qualité pour le liège naturel expansé noir du Portugal distribué sur tous les continents. Ces véritables pièces de collections ne tombent quasiment jamais en panne et malgré leur grand age, n’ont rien à envier en terme de précisions aux machines modernes utilisées pour le liège blanc, assemblé malheureusement pour la santé des poseurs, à la colle polyuréthane….
Les blocs ainsi constitués, sont aussitôt découpés en tranches, généralement de 10 cm d’épaisseur pour les chambres froides et en panneaux de 50×100 cm pour faciliter le transport et le montage.
Utilisation traditionnelle des panneaux de liège en chambre froide
Les panneaux, utilisés à l’origine du froid négatif en Europe étaient sans rainures et languettes, leur pose croisée permettait d’ atteindre les températures nécessaires à l’intérieur des chambres conservant les surgelés. Ces panneaux étaient collés à la poix, quand ils n’étaient pas fixés mécaniquement puis bien plus tard, collé au bitume.
La technique d’enduisage était à l’époque simple. En effet, un simple mortier appliqué sur un gobetis suffisait à étancher le mur et grâce aux qualités antiseptiques de la chaux, d’éviter le développement de champignons. L’entretien annuel avec l’application d’un badigeon de chaux ou blanc d’Espagne suffisait à garantir une hygiène irréprochable. La protection des murs ainsi constituée permettait une durée de conservation des aliments bien plus longue et sans altération des qualités nutritives et du goût.
La crise pétrolière de 1976 et l’envol du prix des énergies fossiles généra une demande nouvelle d’épaisseur importante d’isolant dans un soucis d’économie de frais de fonctionnement. La fabrication des panneaux de liège, dès lors se diversifia jusqu’à la profondeur de gamme remarquable que l’on connait aujourd’hui allant de 1mm à 200 mm, toutes étant couramment utilisées.
Ce type de construction permettait la construction de murs 100 % recyclables. Les chambres froides en béton les plus anciennes sont aujourd’hui en cours de démantèlement et tout est recyclé. Les panneaux propres en granule et les panneaux ayant supporté la chaux sont broyés et ré-utilisés sous forme de plaque ou d’agrégats pour le béton de liège. Voir le béton de liège sur MIE
Technique traditionnelle de l’enduit en mortier de chaud pour les panneaux de liège en chambre froide
Du fait de la forte épaisseur des panneaux de liège isolants et de l’augmentation du poids au m ² générée, la fixation mécanique devenait obligatoire. L’enduit aussi nécessitait d’être armé pour résister davantage à la compression et le désormais célèbre ‘grillage à poule’ , grillage à maille serrées galvanisées utilisé dans les campagnes et à facile à trouver, fut largement utilisé.
Ce grillage support d’enduit était fixé avec des clous cavaliers. Le clou cavalier pour fixation du grillage sur le liège avant enduit est une sorte de fil de fer épais, affutés des deux côtés et galvanisés, pourvu d’un pliage en forme de cône lui permettant d’assurer le blocage des mailles du grillage par chevauchement. Les panneaux étaient alors gobetés à l’aide d’un lait de chaux puis revêtu d’un corps d’enduit taloché du même matériaux, répondant à des exigences de séchage plus rapide et une plus grande résistance aux frottements.
Enrichi de ciment, le mortier appelé « mortier bâtard » présentait une double qualité de séchage hydraulique et de dureté. Cet ajout fait perdre au mélange ses qualités écologiques et une bonne partie de sa perspiration.
Sur des réalisations plus récentes, le grillage à poule est remplacé par l’incontournable « nergalto » préconisé pour contenir la fissuration sur les murs non homogène. Présenté en panneaux plats, le « nergalto », sorte de lattis métallique nervuré, simplifie la vie des poseurs et permet de travailler avec des corps d’enduit plus fin grâce à sa régularité. Il est de plus en plus souvent remplacé par un filet à mailles en fibre de verre plus économique et simple à poser en se noyant dans le corps d’enduit au moment de l’application.
C’est ainsi qu’une méthodologie centenaire saine et écologique est encore vivante aujourd’hui grâce au savoir-faire des vieux maçons transmis aux jeunes générations d’auto-constructeurs écolos.
Le renouveau du liège dans la construction saine et bioclimatique en Europe
L’après-guerre et ses énormes flux de pétrole, désormais non utilisés et à prix dérisoires a permis la généralisation rapide et à bas coût du polystyrène expansé et plus coûteux, d’autres mousses polyuréthanes, présentes en masse aujourd’hui dans la construction. Force est de reconnaître que l’ensemble des forêts de liège du Portugal ne permettrait pas de fournir les énormes quantités d’isolant nécessaires dans la construction. Ce besoin en matériau isolant ne cesse de croître après une suite de chocs pétroliers ininterrompus, faisant grimper le prix des énergies primaires à des sommets.
Le liège plus couteux mais aux qualités exceptionnelles de confort et de salubrité a de beaux jours devant lui grâce au nombre croissant de particuliers refusant d’habiter une maison en plastique étanche suspectée de rendre malade ses habitants.
Les enduits utilisés aujourd’hui et disponibles dans tous les négoces permettent de rendre accessible et simple la pose aux particuliers.
Titulaire d’un ACERMI, le liège est le premier des isolant naturel et éligible au crédit d’impôts s’ il est posé par un professionnel.
Quid de la réglementation pour les professionnels et leurs assurances décennales ?
Certains l’utilisent et garantissent leur construction, d’autres le refusent par défaut d’avis technique établi par un organisme de certification. Trop simple et sans valeur financière ajoutée pour les fabricants d’enduits, ouvrant des débouchés de commercialisation trop faibles, il est aujourd’hui réservé aux professionnels connaisseurs sûrs de leur expérience et aux particuliers auto-constructeurs.
Nul doute que son utilisation croissante parvienne à convaincre un industriel de concevoir un système simple et économique pour le bien de tous. Le vœux, de plus en plus fort, de voir une solution d’isolation thermique par l’extérieur en liège grâce au travail des jeunes générations d’ingénieurs et d’industriels sensibles à la préservation de notre planète, sera sans doute exaucé en 2014.
En attendant, les surfaces d’ITE en liège fleurissent partout à travers l’Europe pour le plus grand bien de la santé des habitants concernés, de l’environnement et de l’économie circulaire.